L’effort que notre pays doit faire pour assainir sa situation financière et combler les inégalités sociales est sans précédent. Il doit le faire dans un contexte dans lequel dominent l’économie mondialisée, l’évolution technique, le terrorisme, les questions de l’énergie, du changement climatique, de la compétitivité mondiale qui dépend de l’innovation notamment celle autour du numérique, de l’économie du savoir et de bien d’autres sujets.

L’État reste l’instrument prépondérant

Francis Massé, haut fonctionnaire au ministère chargé des Transports et du Développement durable
Au plan financier, l’excès de nos dépenses publiques représente environ 5 points de PIB si on le compare à la situation allemande. Mais il conviendra d’analyser les autres dépenses publiques et y distinguer les bonnes dépenses des mauvaises. Cela s’appelle l’évaluation des politiques publiques. Il existe encore un point dont on parle depuis des décennies et qui concerne les externalités négatives. Elles sont de toutes sortes, de la pollution à des défauts dans notre organisation sociale. Elles concernent la longue durée. Par exemple nous avons oublié que le bilan de la sécurité routière il y a trente ans, c’était en France 17 000 morts et 390 000 blessés par an, contre 8500 morts et 180 000 blessés en 1997, sachant qu’entre temps la circulation routière avant doublé. Seulement si l’on peut dire 3970 en 2011 !

Voilà un exemple où notre société aura très tardivement pris en compte ce fléau national dont l coût global est estimé à plusieurs d’euros y compris le coût humain et qui justifie une action préventive en profondeur. Un autre exemple d’externalités négatives, c’est l’émission de pollutions qu’une entreprise provoque en fabriquant un produit de consommation par ailleurs utile. Là, les pouvoirs publics peuvent agir par la réglementation ou la régulation économique, financière ou notamment fiscale, ou bine encore par une politique qui privilégierait l’essor de l’écologie industrielle.

La question sociale, plus que jamais d’actualité

Au plan social si notre modèle est altéré la question sociale est toujours d’actualité, plus que jamais; il faut revenir à ses fondamentaux sans rechigner aux réformes indispensables. Le salaire, le logement, la santé et l’école sont les axes majeurs qu’il faut traiter activement car la situation est dégradée et beaucoup de familles sont en souffrance. Au delà de ce déficit social et humain, la performance globale du pays se détériore et, par un effet en chaîne, les gains de productivité régressent. Il en est ainsi par exemple de cette situation, paradoxale en période de chômage, où des centaines de milliers d’offres d’emploi ne trouvent pas de candidats du fait le plus souvent d’une inadaptation de la formation.

Dans les deux cas, financier et social, ces dysfonctionnements nuisent à la compétitivité de notre pays et à sa cohésion sociale. Un système de formation défaillant, des infrastructures inadaptées, des actifs immatériels délaissés, et voilà les entrepreneurs publics ou privés, les créateurs d’entreprise à la peine pour bâtir développer, imaginer l’avenir. Mais il ne suffit pas que le prochain président de la République décide pour que l’action suive. Il faut réarmer l’État, son instrument d’intervention !

Cela fait plusieurs années que l’on évoque l’État stratège sans trop savoir exactement ce que l’on veut dire par cette formule pourtant bienvenue. Nous devons rappeler que le secteur public au sens large, État central territorial, entreprises et établissements publics, collectivités territoriales et leurs propres services publics, délégations de services publics (services publics concédés au secteur privé) représentent une part importante de notre système économique et social dont la cohérence demeure un objectif souhaitable mais délicat.

Un nouvel état d’esprit

Un nouvel état d’esprit s’impose pour que les services publics en France et en Europe deviennent, à côté et en partenariat avec le secteur privé, les vecteurs d’un développement économique et social durable. Cet état d’esprit, l’État seul ne le trouvera pas en son sein. C’est également à la société, aux citoyens, à se déterminer pour pousser l’État à se réformer. Chausser les lunettes du passé ne sert à rien : ni les idéologies du vingtième siècle, ni les sectarismes de tous bords ne parviendront à hisser la prise de conscience individuelle et collective à son optimum. Un État nouveau n’est pas un État replié sur lui-même coupé d’une société amorphe qui attendrait tout de lui. Un État nouveau est un État intelligent qui anticipe et gouverne avec lucidité et efficience, en s’appuyant sur des services publics à l‘écoute des besoins d’une société active et exigeante.

Pour mettre en mouvement la société et son État, une politique de la culture est indispensable qui relierait entre eux l’ensemble des métiers et des professions et redonnant aux individus leurs initiative de créateurs et de citoyens.

Sur l’auteur : Francis Massé, ancien élève de l’ENA, est un professionnel du management public. Haut fonctionnaire au ministère chargé des Transports et du Développement durable, ancien directeur général délégué de RFI, il est aussi essayiste. Il vient notamment de publier son troisième ouvrage, Refonder le politique, sur la réforme de l’État.

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