Cellules souches
Ces cellules souches permettront la réparation de tissus lésés du donneur, même très âgé, comme par exemple, le myocarde après un infarctus. Mais le labo de Jean-Marc Lemaitre a fait peut-être plus fort encore. Il a rajeuni toutes les cellules d’une souris (y compris celles du cerveau)… et la souris elle-même (les tissus lésés par l’âge ont été réparés). In vivo cette fois, bien sûr. Cela a été possible grâce à la découverte par trois chercheurs américains en 1985 d’une enzyme, la télomérase, qui leur a valu un prix Nobel en 2009. On a en effet mis en évidence un mécanisme qui explique le vieillissement des cellules (qui a également d’autres facteurs).
Et chez la souris, ça marche !
Ceci est rendu possible par la télomérase générée par ces cellules lors de leur division, qui « répare » les chromosomes abimés ou tronqués, en les reconstituant d’après le modèle de chromosome de l’origine, que la cellule garde stocké. D’où cette idée : en activant le gêne de la télomérase dans toutes les cellules (grâce par exemple à un médicament, le 4-OHT), on devrait permettre le rajeunissement de toutes les cellules. Et chez la souris, ça marche !
Des risques de cancer
Il y a une piste intéressante que des équipes françaises (notamment) explorent : puisqu’on ne peut éviter de nouveaux cancers, on va essayer de les supprimer, en inhibant temporairement après une phase de rajeunissement la production de télomérase. Cela ne gênera pas les cellules non cancéreuses, qui n’en produisent pas (à l’exception des cellules sexuelles et de quelques autres qui devront supporter de vieillir un peu pendant cette inhibition, vieillissement qui sera effacé lors du retour à la normale).
Mais sans télomérase, les cellules cancéreuses auront perdu leur immortalité, et comme leurs télomères sont plus courts que ceux des cellules normales, et qu’elles se divisent plus fréquemment, elles seront atteintes par la limite d’âge bien avant les cellules normales, et disparaitront donc sélectivement. Il faudra quand même attendre plusieurs années chez l’homme. Ce qui est supportable, car une tumeur cancéreuse n’est pas perceptible tout de suite. Il faut 10 ans pour qu’une cellule maligne se soit divisée suffisamment pour atteindre le milliard de cellules, qui correspond à une tumeur de 1 cm de diamètre, et ce délai est suffisant pour que le cancer ait été éliminé par raccourcissement des télomères avant d’avoir été nocif. Le traitement d’inhibition de la télomérase devrait donc être pris à titre préventif, par exemple après une régénération des cellules par la télomérase. De nombreuses pistes d’inhibition de la télomérase sont explorées, et les auteurs de ces travaux placent de grands espoirs dans les traitements qu’ils préconisent.
Applicable à l’homme ?
Mais justement, les cellules normales de l’homme n’en contiennent pas, ce qui laisse espérer un effet de rajeunissement par la télomérase plus marqué chez l’homme que chez la souris. Puis des souris vieillies ont été traitées pendant 1 mois pour que toutes leurs cellules produisent de la télomérase, avec comme résultat un rajeunissement stupéfiant, effaçant tous les désordres physiques dus au vieillissement (« What really caught us by surprise was the dramatic reversal of the effects we saw in these animals », a déclaré R. DePinho, parlant d’un effet « Ponce de Leon » (allusion à l’explorateur espagnol Juan Ponce de Leon qui avait découvert la Fontaine de Jouvence !).
Les résultats obtenus par les deux équipes (DePinho et Lemaitre) sont identiques quant au forçage de la télomérase chez la souris: un rajeunissement général, mais avec développement de tumeurs agressives. Cependant, l’équipe américaine est allée plus loin : elle a inhibé la production de télomérase après un rajeunissement, avec un résultat spectaculaire : l’extinction des cancers, après raccourcissement suffisant des télomères. Mais après répétition du cycle activation-passivation de la télomérase, une adaptation des cellules cancéreuses a entrainé le maintien de l’intégrité du télomère, mettant en échec l’extinction des cancers. L’équipe américaine a expliqué ce phénomène, et en inhibant un gêne, le « PGC-1 ß », un très bon résultat a été obtenu. Cela signifie-t-il que le cancer a été éradiqué ? On ne le sait pas : au lieu de donner les chiffres de survie des souris comme dans le reste du rapport, celui-ci se contente d’indiquer que les souris traitées ont vécu beaucoup plus longtemps, « much longer than those with intact PGC-1ß and than those with activated telomerase in their tumors ».
Des conséquences inattendues
Une révolution … et un désastre pour l’industrie pharmaceutique dont les anti-cancéreux comptent parmi leurs principaux "blockbusters" (qui rapportent beaucoup). Un succès qui ouvrirait aussi la porte à la fin du vieillissement … un désastre pour les États cette fois, qui ne sauraient plus quoi faire de l’augmentation des bouches à nourrir, de la grande majorité des personnels de santé et d’éducation devenus inutiles. Mieux vaudrait que la mort continue à faire son ménage !
La télomérase et ses effets ont été découverts il y a plus de 25 ans, et c’est dès cette époque qu’on aurait dû en déduire ses effets potentiels de rajeunissement et anti-cancéreux. Mais finalement, cela sort, plus rien ne l’empêchera. Nous demandons aux dirigeants français une attitude conquérante sur ce dossier.